FRD-CODEM est impliquée dans les activités du Pôle européen du chanvre depuis la phase de préfiguration du projet en 2018. Pierre Bono, Directeur de FRD-CODEM, et Estelle Delangle, Directrice du Pôle européen du chanvre, partagent leur vision de l’avenir de cette collaboration après la création de la SCIC Pôle européen du chanvre.
Une collaboration de longue date
ED : Quelle est la place de FRD-CODEM dans le Pôle européen du chanvre aujourd’hui ? Pourquoi avez-vous décidé de poursuivre l’aventure une fois le projet terminé ?
PB : FRD-CODEM est un Centre de Ressources Technologique (CRT) dédié aux écomatériaux et matériaux biosourcés. Historiquement plus de 50 % de notre activité est centrée sur la valorisation applicative du chanvre (textile, bâtiment, transport, cosmétique…). Ce travail s’est inscrit au cours des 15 dernières années en soutien de nos actionnaires chanvriers (La Chanvrière et Interval/Eurochanvre), des acteurs de la 2ème et 3ème transformation (APM dans la plasturgie, et Ecotechnilin dans les composites), des filières avec InterChanvre et Construire Chanvre, et tous leurs adhérents, qui font un travail remarquable au service du développement de nos filières. Nous avons ainsi piloté plus de 35 projets collaboratifs mobilisant plus d’une centaine de partenaires et 60 M€ de budget.
Mais force est de constater que le développement de la filière chanvre passe pour FRD-CODEM par la capacité à valoriser massivement et simultanément l’ensemble des composantes de la plante (graine & paille), dans une vision à 360°.
Cela demande une capacité à mettre en réseau tous les acteurs des chaines de valeur dans une logique de dialogue amont aval, afin de permettre aux acteurs industriels de s’emparer des atouts structurels du chanvre qui varient d’un secteur à l’autre. Nous avons testé de manière efficace cette approche dans le cadre du club d’intérêt du projet investissement d’avenir Sinfoni qui a réuni régulièrement plus de 150 acteurs entre 2012 et 2017.
C’est la raison pour laquelle notre CRT, s’est inscrit depuis 2019 dans les travaux de préfiguration d’un outil de dialogue inter acteurs et inter filières dédié au chanvre. Les valeurs de coopération, d’écoute, de co-développement… sont clés pour nous dans ce cadre-là. La réussite ne passera que par de l’intelligence collective et de la construction à 4 mains.
C’est tout naturellement que FRD-CODEM est devenu fin 2023 sociétaire de la SCIC Pôle européen du chanvre. Le statut de société coopérative d’intérêt collectif s’inscrit en cohérence avec les valeurs mises en place lors des 4 années de préfiguration. Nous sommes très sensibles à la volonté du Pôle de maintenir des liens proches avec les acteurs historiques de la filière dans le respect de chacun.
PB : FRD-CODEM est impliquée dans le Pôle européen du chanvre depuis la phase de préfiguration. Qu’elle a été sa contribution ? Qu’en attendez-vous à l’avenir ?
ED : FRD-CODEM est un partenaire du Pôle européen du chanvre depuis les premiers travaux de préfiguration du projet. Il s’agit donc d’un compagnon de route de longue date, dont l’expertise s’est exprimée à plusieurs niveaux puisque vous avez animé à la fois notre groupe technique Plasturgie et Composites, ainsi que la réflexion autour du développement de la RDI sur le chanvre, et participé à de nombreux groupes (technique du bâtiment, textile…). Enfin, FRD-CODEM s’est fortement impliqué dans la structuration du Pôle européen du chanvre en Association de préfiguration, puis en SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), en partageant son expérience et en prenant une part active dans les décisions structurantes pour le Pôle.
Forcément, le Pôle européen du chanvre a tout à gagner à pouvoir continuer de s’appuyer sur l’expertise des équipes de FRD-CODEM, sur le plan technique bien sûr mais également sur cette volonté commune d’aller vers une ambition de massification de la production, des transformations et des usages du chanvre ici sur le territoire et par-delà les frontières.
Cette vision à la fois de développement régional et d’ambition mondiale, grâce à l’intelligence collective et la mobilisation des forces vives, est très fortement partagée par nos structures. Nous comptons sur FRD-CODEM pour poursuivre son rôle d’ambassadeur du Pôle européen du chanvre, un rôle qu’il a endossé depuis la création du Pôle et qui nous est très précieux.
Une contribution mutuelle
ED : Quelle expertise FRD-CODEM apporte-t-elle au Pôle européen du chanvre ?
PB : De manière triviale FRD-CODEM amène son expertise de centre technique, à savoir sa capacité à jouer le rôle de traducteur entre le monde de l’industrie et de la recherche, le monde de l’aval matériaux et de l’amont agricole, le monde du temps court et du résultat et le monde du temps long dont a besoin la recherche.
Plus largement, FRD-CODEM amène :
- Sa vision stratégique liée à la connaissance des marchés, des réglementations, des chaines de valeur, des verrous technologiques restant à lever et des acteurs clés
- Sa connaissance opérationnelle des sujets et sa capacité à faire sur nos 2 plateaux techniques dédiés à la préparation des fibres, et leur valorisation textile/plasturgie/composite/bétons/panneaux/isolants… mobilisant 6 M€ de matériels sur 3 000 m²
- Son équipe pluridisciplinaire de 20 collaborateurs en capacité de répondre à toutes question de la récolte du chanvre jusqu’à la fin de vie de ses usages applicatifs
- Ses méthodes de travail et son expérience
PB : De votre point de vue, qu’est-ce que le Pôle européen du chanvre propose que l’on ne retrouve pas ailleurs ? Quelle est l’originalité et la plus-value proposée par le Pôle aujourd’hui ?
ED : Le Pôle européen du chanvre est une communauté large et transversale qui rassemble une grande variété d’acteurs de l’écosystème du chanvre, de l’amont agricole à l’aval de toutes ses filières de valorisation dans une approche coopérative. Nous traitons la complexité de l’écosystème chanvre grâce à une approche globale, en essayant de casser les silos entre les filières afin d’aborder l’ensemble des actions à mener de manière systémique. La spécificité du Pôle européen du chanvre est la notion de co-engagement des acteurs autour d’une ambition commune, malgré (ou grâce à) une grande diversité d’intérêts particuliers.
Ce fonctionnement à 360°, cette transversalité et cette ouverture sectorielle et territoriale permettent une coopération écosystémique entre tous les acteurs des filières chanvre. Ainsi, ceux-ci bénéficient d’expertises solides et diversifiées sur toutes les chaînes de valeur du chanvre, de l’amont agricole à tous ses marchés d’application. C’est cette expertise que nous sommes ensuite en capacité de partager en accompagnant d’autres territoires ou d’autres collectifs sur des projets de développement liés au chanvre.
Un positionnement international
ED : Vous avez un double ancrage régional sur le Grand Est et les Hauts-de-France, et au-delà un rayonnement national, à vocation internationale. Comment votre participation au Pôle européen du chanvre peut contribuer à votre déploiement international ? À l’inverse, comment ce déploiement peut contribuer à l’ambition européenne du Pôle ?
PB : Le paysage chanvrier mondial a radicalement changé au cours de ces 5 dernières années comme nous le montre régulièrement l’actualité. Le terrain de jeu est international et a minima national. Nous sommes obligés de changer de paradigme en déployant nos solutions non pas seulement pour nos actionnaires, mais pour la filière française a minima en répondant en priorité à ses besoins, afin de disposer de la légitimité et de la crédibilité nous permettant de nous déployer et faire reconnaitre notre savoir-faire à l’international. Cette vision ne peut être déployée seule. Elle demande des alliés en particulier dans le cadre de notre laboratoire partenarial associé 4FM avec l’UMR FARE INRAE – URCA sur Reims afin de pouvoir proposer des solutions encore plus robustes. Mais aussi pour mieux faire connaitre nos savoir-faire à l’international en lien avec le Pôle ou InterChanvre tout particulièrement.
PB : Quels sont les grands sujets dont le Pôle européen du chanvre doit se saisir pour être à la fois utile au territoire et se positionner comme une référence au niveau européen ?
ED : Il nous semble indispensable de mettre en valeur le territoire sur lequel nous sommes ancrés, au niveau local (Aube) et régional (Grand Est). Notre territoire est de loin le bassin de référence pour la culture du chanvre. Son histoire et son antériorité lui permet d’être un véritable démonstrateur des possibilités de l’écosystème chanvre à travers le développement de projets économiques ou touristiques autour du chanvre. C’est un magnifique terrain de jeu pour expérimenter de nouvelles manières de valoriser le chanvre.
Au-delà de ce « terrain de jeu », le partage de notre expérience et de l’expertise de nos sociétaires, l’ouverture et la coopération européenne nous permettent non seulement de positionner le territoire comme référence européenne du chanvre mais également de déployer nos innovations et nos projets d’autres territoires en France, en Europe et dans le monde.